Haïti : nouvelles du 29 décembre 2003

Éditorial de Michèle Gayral (RFI)

21 novembre 03

Il y a 200 ans, les anciens esclaves noirs d'Haïti, affranchis par la révolution française, infligeaient à l'armée envoyée par Bonaparte pour rétablir leurs chaînes une défaite définitive. Avec la proclamation d'indépendance du 1er janvier suivant, cette bataille de Vertières est l'acte fondateur d'un peuple fier qui, bien avant d'autres, a conquis sa liberté de haute lutte.

Que reste-t-il de l'esprit du 18 novembre 1803 dans cette république ? la première république noire indépendante - aujourd'hui à la dérive ? Guère plus que les cérémonies vides de sens d'un pouvoir oppresseur, qui enfonce dans le chaos l'un des pays les plus pauvres des Amériques. Hier, les États-unis et l'Union européenne n'étaient pas représentés, du moins à leur plus haut niveau sur l'île, lors des cérémonies. Un boycottage motivé par la énième atteinte à la liberté d'expression et de manifestation constatée quelques jours plus tôt, du fait non pas directement du pouvoir, mais de ses hommes de main. Car cette oppression, brutale, flagrante, est en même temps sournoise. Elle s'abrite derrière des apparences qui ne trompent désormais plus personne.

Naguère encore ce «prêtre du peuple» adulé des foules qui plaçaient en lui toutes leurs attentes après la longue nuit de misère et de peur de la dictature des Duvalier père et fils, le président Jean-Bertrand Aristide a été élu, deux fois; bien que le deuxième scrutin n'ait pas offert, et de loin, les mêmes garanties que le premier. Pour en finir avec les coups d'Etat, il a pris une mesure radicale : il a dissous l'armée. Mais sans endiguer la violence politico mafieuse, bien au contraire. Car alors se sont mises au service de son régime de véritables bandes armées, qu'on les appelle «chimères» ou organisations populaires.

Une espèce de milice brouillonne, de clientèle agressive, dont la police officielle ne cherche guère à entraver les exactions, et qui traque, parfois jusqu'au meurtre et en toute impunité, l'opposant politique et le journaliste indépendant. Pendant que se propage la gangrène de la corruption et du pillage de l'argent public, insulte aux Haïtiens misérables contraints de rechercher sur des bateaux de fortune un exil improbable aux Etats-Unis.

La violence ambiante empêche toute vie démocratique, mais le chef de l'Etat interpelle aujourd'hui une opposition incapable de mener campagne, parce qu'elle se refuse à jouer le jeu - la farce - des élections législatives qui auraient dû être organisées avant la fin de l'année. Jean-Bertrand Aristide ne l'emportera pourtant pas sur tous les plans : les réactions de la communauté internationale risquent de lui gâcher la fête. Cette fête du 200ème anniversaire dont il comptait faire un bel exercice de propagande personnelle. Les masques sont tombés, et les illusions perdues. Reste, dans les coeurs à défaut d'une célébration officielle consensuelle, la commémoration d'une révolte, comme un souvenir, comme un espoir.

Michèle GAYRAL


Avertissement aux délégations inviyées à participer aux festivités du Bicentenaire de l'Indépendance aux Gonaïves par le front Anti-Aristide

Les membres du Front Anti-Aristide aux Gonaïves réaffirment leur détermination de procéder à l'arrestation du Chef de l'Etat lors des festivités du 1er janvier 2004. Ils lancent une sévère mise en garde aux délégations étrangères qui s'apprêteraient à investir la Cité de l'Indépendance dans le cadre de la célébration du Bicentenaire d'Haïti.

Les membres du Front martellent que Jean Bertrand Aristide n'est pas digne de présider ces cérémonies marquant les 200 ans l'Indépendance. Les responsables du Front demandent du même coup aux représentants de la communauté internationale d'éviter d'accompagner le Président Aristide aux Gonaïves, le 1er janvier. Selon le porte-parole du Front anti-Aristide, Wynter Etienne, les militants de son organisation feront tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher le déroulement de ces festivités aux Gonaïves.

La Cité de l'Indépendance est en ébullution depuis l'assassinat, le 21 septembre du puissant chef d'Organisations Populaires (OP)Amiot Métayer, qui dirigeait l'Armée Cannibale. Les nombreuses interventions des unités spécialisées de la Police Nationale d'Haiti (PNH) ont fait déjà plus d'une trentaine de morts et une centaine de blessés par balle.

En dépit de la montée de la violence aux Gonaïves, le Président de la République persiste et signe. Jean Bertrand Aristide annonce qu'il se présentera dans la Cité de l'Indépendance pour s'adresser à la population le 1er janvier 2004 qui marquera le bicentenaire de création de la nation haïtienne. Des mesures ont été prises en ce sens pour assurer la sécurité du Chef de l'Etat et des délégations qui participeront aux festivités. Outre l'effectif de la PNH qui est renforcé, des militaires sud-africains lourdement armés sont présents aux Gonaïves en attendant l'arrivée du Président Thabo Mbeki.

La présence sur le sol Haïtien de soldats étrangers armés soulève la contestation des membres du Front Anti-Aristide qui, à plusieurs reprises, ont appelé la population des Gonaïves à rester mobilisée pour obtenir le renversement de Jean Bertrand Aristide. Ils annoncent diverses manifestations hostiles au régime Lavalas durant cette semaine de célébration du Bicentenaire de l'Indépendance. Certains d'entre eux ont même menacé de se suicider le 1er janvier 2004 au cas où le président Aristide mettrait les pieds aux Gonaïves.


Mise en garde de la Mission Spéciale de l'OEA au Pouvoir Lavalas contre toute éventuelle persécution judiciaire des opposants

La Mission Spéciale de l'Organisation des Etats Américains (OEA) se déclare préoccupée par les révélations d'un substitut du commissaire du gouvernement autour d'une rencontre au Palais National, le 23 décembre 2003, pour faire procéder à l'arrestation de trois (3) dirigeants de l'Opposition.

Dans un communiqué publié le samedi 27 décembre, l'OEA met en garde le Pouvoir Lavalas contre tout abus d'autorité.

Voici la teneur du texte de la Mission Spéciale de l'OEA.

" La Mission Spéciale de l'O'A fait part de sa préoccupation suite à des déclarations publiques faites hier matin (ndlr :26 décembre) sur des stations de radio de la capitale par l'un des Substituts du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal Civil de Première Instance de Port-au-Prince, Me Daméus Clamé Ocnam, qui aurait quitté le pays.

Ce substitut fait état de pressions exercées sur sa personne par des représentants et conseillers de l'éxécutif pour qu'il appose sa signature au bas de mandats de justice visant à arrêter Messieurs André Apaid Junior, Coordonnateur du Groupe des 184, Hervé Saintilus, Président de la Fédération des Etudiants Universitaires Haïtiens, et Me Gervais Charles, Batonnier de l'Ordre des Avocats de Port-au-Prince, suite aux événements survenus à l'occasion de la manifestation du 22 décembre 2003.

La Mission Spéciale a observé le déroulement de la manifestation publique du 22 décembre 2003 au cours de laquelle deux personnes auraient trouvé la mort. Elle demande qu'une enquête sérieuse et approfondie soit menée sur ces événements afin que tous les faits soient clairement élucidés. Sans préjuger les résultats d'une semblable démarche, la Mission est d'avis que toutes arrestation de ces personnes en l'absence d'une telle enquête et sans autres éléments de preuve de leur implication personnelle dans ces faits constitueraient un cas flagrant d'abus de pouvoir.

La Mission Spéciale invite les Autorités gouvernementales et judiciaires à appliquer la loi avec mesure, impartialité et justesse afin d'éviter toute injustice ou apparence d'injustice, de façon à contribuer à l'édification d'un véritable Etat de droit en Haïti.

La Mission Spéciale saisit cette occasion pour rappeler les paroles du Secrétaire Général Adjoint de l'OEA, Luigi Einaudi, au cours d'une réunion du conseil permanent de l'organisation le 17 décembre. A propos des manifestations, il avait signalé à cette occasion que ces événements exigeaient une action urgente de toutes les parties concernées de façon à s'en tenir à la seule règle du droit. Il a de plus rappelé que laisser la rue aux gangs est indigne d'une société démocratique. C'est dans cet esprit que, une fois de plus, la Mission Spéciale exhorte toutes les personnes concernées à éviter toute action qui puisse augmenter les tensions à ce moment critique ".


Crise politique : Arrêt de travail illimité des avocats de Port-au-Prince

L'Ordre des Avocats de Port-au-Prince décide d'observer un arrêt de travail général jusqu'à nouvel ordre pour protester contre " la violation du Droit à la Protection Judiciaire " suite aux révélations d'un substitut du commissaire du gouvernement autour d'une récente réunion tenue au Palais National.

Lors d'une Assemblée Générale tenue le vendredi 26 décembre 2003, une résolution a été adoptée demandant aux avocats qui travaillent avec le gouvernement de démissionner sinon ils seront radiés de la corporation. L'Ordre de Avocats s'est adressé notCap-Haïtien : la Police empêche la tenue d'une manifestation hostile au président Aristide et arrête un dirigeant de l'Oppositionamment au ministre de la justice, Calixte Delatour. De plus, le Barreau de Port-au-Prince par la voix de Me Gervais Charles, bâtonnier a.i. de l'Ordre, invite ses membres à ne pas se présenter au Parquet. L'association estime que le Parquet est devenu " une officine du Palais National ".

Les avocats précisent qu'ils seront disponibles uniquement pour les affaires urgentes traitant notamment des violations des droits humains.

Dans une déclaration pré-enregistrée publiée dans la presse, le vendredi 26 décembre, Me Daméus Clamé Ocnam a indiqué avoir participé à une réunion au Palais National, le lundi 23 décembre, en compagnie du commissaire a.i. du gouvernement Ricquet Brutus pour planifier l'arrestation de André Apaid Junior, coordonnateur du Groupe des 184, Hervé Saintilus, leader étudiant et Gervais Charles, avocat du Groupe des 184. Ces derniers sont considérés comme des opposants qu'il faut mettre sous les verrous au plus vite, a précisé le substitut du commissaire du gouvernement qui s'est réfugié aux Etats-Unis, le 25 décembre.

Le chef a.i. du Parquet, Ricquet Brutus, dément les révélations de Me Ocnam. Me Brutus affirme qu'il n'y a jamais eu de réunion au Palais National à cet effet avant d'ajouter qu'il avait convoqué le substitut le 24 décembre pour discuter de la libération d'un présumé bandit.

L'avocat et dirigeant du PDCH, Osner Févry, suggère à Me Brutus de démissionner de se laisser utiliser à ce point par le Pouvoir. Le dirigeant politique estime que les déclarations du chef a.i. du Parquet sont dénuées de logique. Osner Févry se demande comment Me Brutus ait confié à quelqu'un de peu crédible une mission aussi importante de convoquer des dirigeants politiques dans un contexte aussi délicat. M. Févry rappelle que Me Ocnam a bel et bien signé les mandats de comparution adressés à André Apaid Junior et Hervé Saintilus.

La Mission Spéciale de l'OEA se déclare préoccupée par les révélations du magistrat Daméus Ocnam et met en garde le Pouvoir Lavalas contre tout abus vis-à-vis de ces dirigeants politiques de l'Opposition.


Cap-Haïtien : la Police empêche la tenue d'une manifestation hostile au président Aristide et arrête un dirigeant de l'Opposition

Les agents de la Police Nationale d'Haïti (PNH) ont empÍchê, le dimanche 28 décembre 2003, la tenue d'une manifestation anti-gouvernementale au Cap-Haïtien. Ils ont également procédé à l'arrestation du représentant de l'Organisation du Peuple en Lutte (OPL) dans le Nord, Eluscat Charles.

Les autorités policières n'ont pas encore fourni de précision sur les charges retenues contre le dirigeant de l'Opposition dans le Nord qui avait informé la PNH de la tenue de deux (2) journées de manifestations dans la deuxième ville du pays, les 28 et 29 décembre 2003, pour dire non à Lavalas. Selon des correspondants de presse, la police aurait prétexté n'être pas informée à temps de la tenue de la marche. Cet argument est rejeté par les membres de l'Opposition qui ont montré aux journalistes une correspondance en date du 23 décembre adressée à la police et un avis de réception.

A Port-au-Prince, l'état-major de l'Organisation du Peuple en Lutte (OPL) exige l'élargissement de son représentant dans le Nord, Eluscat Charles. L'OPL, par la voix de Paul Denis, croit qu'il s'agit d'une manoeuvre du Pouvoir pour contrer le mouvement anti-Aristide dans le Nord.

Le responsable de l'Initiative Citoyenne (IC), Frandley Denis Julien, exige la libération immédiate de son camarade de l'Opposition. Il dénonce du même coup ce qu'il appelle le caractère illégal de l'arrestation de Eluscat Charles. Le dirigeant de l'IC appelle à la mobilisation des citoyens du Nord contre cet état de fait tout en rappelant que la Police avait été notifiée de la tenue de la manifestation.

La liste des membres de l'Opposition dans le Nord arrêtés s'allonge. Quatre (4) opposants dont le pasteur Jackson Noël du MOCRENAH sont sous les verrous depuis le 17 décembre. Malmenés, ils sont transférés à Port-au-Prince depuis le vendredi 19 décembre.


Nous avons reçu cette information :

Thabo Mbeki aurait recu 10 millions de dollars des Démocrates (Bill Clinton-Black Caucus, etc...)  pour faire ce "stunt" en Haiti. L'argent provient naturellement d' Aristide. (Drug's money)....

Cela est-il exact ?