Haïti : nouvelles du 3 janvier 2004
Haïti / bicentenaire : Salutations de Christiane TAUBIRA, Députée de Guyane
Christiane Taubira, députée à l'Assemblée Nationale de France est initiatrice de la Loi qui porte son nom et par laquelle la France reconnaît l'esclavage comme un crime contre l'humanité.
Peuple d'Ayiti,
Chers Amis, frères et soeurs en lutte et en espérance Nous sommes des millions, dans le monde, à éprouver aujourd'hui, à la fois une fierté infinie et une souffrance immense, âcre, taraudante. Cette fierté, je la tire, personnellement, de ma rencontre, il y a près de trente ans avec l'histoire sublime et déjà douloureuse d'Ayiti. Cette Histoire m'a construite dans mon intimité, elle a commencé à me rétablir dans mon identité ébranlée par l'aliénation dominante en mon pays de Guyane, elle a contribué à inspirer mon éthique de vie. Je lui dois plus que je ne pourrai jamais rendre.
Mais cette Histoire ne cesse de me troubler et de me tourmenter. Elle m'étourdit par les chemins sinueux, rocailleux, parois infernaux qu'elle emprunte. Elle m'éblouit toujours autant par la générosité de sa première Constitution. Elle me fascine toujours par la démesure et le génie de ceux de ses fils et de ses filles qui, de la bataille de Vertières à aujourd'hui, ont empoigné son destin et l'ont étreint au point de s'y confondre et parfois de s'y perdre, ceux et celles qui ont bravé la violence d'Etat pour donner corps à leurs rêves d'une terre redevenue libre de toute oppression, ceux et celles qui ont offert et offrent encore au monde les plus belles histoires, les plus beaux tableaux, les plus belles romances, les plus beaux contes où la joie de vivre dévisage la misère sans détourner le regard, où le désespoir côtoie une folle persévérance à croire en demain, où les gens ordinaires deviennent héros par le simple miracle de la part indestructible de l'âme humaine.
Ce n'est pas à moi seule que le peuple d'Ayiti a ouvert les avenues d'un monde de justice et de fraternité. Ce fut aussi au monde noir, dans son entier, qui y reconnaît la première République Indépendante, arrachée puis codifiée par d'anciens esclaves, édifiée à la morgue de l'empire colonial. Ce fut aussi cadeau pour le monde opprimé dans sa quête de référence et de modèle dans un univers non seulement hostile, mais qui, comme l'assénait Frantz Fanon, déjà s'emparait de son passé pour le défigurer, le distordre. Les opprimés, les évadés de toute servitude, trouvèrent, dans la première Constitution d'Ayiti cette perle de fraternité qui offrait liberté et nationalité à tous ceux qui foulaient ce sol encore fumant. Mais ce fut aussi leçon pour le monde entier. Car cette lutte de libération qui commença par l'insurrection libératrice de l'esclavage, était un combat pour les droits de l'homme. Elle sauva la face et donna consistance à la première Déclaration Universelle des droits de l'homme. De ses principes magnifiques étaient exclus les femmes d'Europe et les hommes et les femmes du monde que l'Europe traitait de meubles dans ses Codes Noirs et de cheptel dans la comptabilité de ses plantations. Ce monde de justice et de fraternité accoucha dans une incommensurable douleur et une effroyable violence. Nous ne pouvons recevoir le fruit sans les épines. Un proverbe africain dit que le crayon du Bon Dieu n'a pas de gomme. Je crois aussi que la gomme est une invention humaine. Aucun dieu, d'aucune culture, d'aucune époque n'a su effacer les pâtés d'encre, les bavures, les ratures, les trous de ses écritures brutales. Seuls les hommes réécrivent l'Histoire. Ils peuvent le faire dans les livres. Il arrive qu'ils soient impuissants à en supprimer les effets ataviques dans la conscience commune et les comportements. Et la spirale des violences y trouve un vivier de prétextes.
Aujourd'hui, ce devait être jour de fête dans le monde entier. C'est liesse amère. Honneur et respect au peuple paysan d'Ayiti qui, en dignité et en courage, a sué sang et vaillance pour honorer la rançon d'Indépendance. Hommage aux femmes qui, par leur travail invisible et gratuit, ont apporté leur part à ce tribut inqualifiable. Honneur aux enfants d'Ayiti qui affrontèrent un destin rétréci, privés d'éducation et de tous les bienfaits qu'aurait offert le travail de leurs parents s'il n'avait été confisqué.
Nul n'est fondé, quel que soit son titre, quelles que soient ses ruses, et même s'il vous ressemble, nul n'est fondé à vous détrousser de ce glorieux passé qui fut un douloureux quotidien.
Honneur et respect aux jeunes d'Ayiti, conscients qu'ils peuvent être un phare pour l'avenir du monde si leur courage et leur audace enfantent victoire.
Honneur et respect pour les femmes d'Ayiti qui toisent le danger, apprivoisent la peur et relèvent leurs hommes lorsqu'ils vacillent.
Les fils et les filles d'Ayiti qui ont essaimé dans le monde tissent la toile robuste et ductile qui répandra les nouvelles conquêtes humanistes forgées sur cette terre caraïbe, s'ils savent les éclairer de la lumière des lieux où ils demeurent.
Je m'incline devant la bravoure avec laquelle, jour après jour, obstinément, vous arrosez la certitude hardie que la liberté, la justice, la solidarité, la vie dans son coeur de cristal, refleuriront tantôt. Tous ceux qui tournent le regard vers cette moitié d'île avec respect et bienveillance, retrouvent en vous les dignes descendants de ces géants de tous les talents qui, à chaque génération, ont sculpté dans le granit de la mémoire du monde les contours d'Ayiti, terre de liberté et de fraternité.
Que cette année resplendisse de nos espoirs et de notre force pour que reviennent des jours ensoleillés de joie et de bonheur. Pour chacun et pour tous.
Christiane
Appel à l'opinion publique internationale
Nous, organisations de la société civile haïtienne, appelons à la solidarité de toute la communauté internationale afin de nous permettre d'en finir avec le régime despotique de Jean-Bertrand Aristide.
Il n'y a plus de doute en effet, sur la nature tyrannique du pouvoir en place actuellement en Haïti. Si en 1990, Jean-Bertrand Aristide représentait un espoir pour le mouvement démocratique et populaire, s'il a pu tromper son peuple en même temps que la communauté internationale, aujourd'hui nous avons perdu toutes nos illusions concernant ce nouveau dictateur. Toutes les institutions de l'Etat ont été démantelées, au seul profit de la personne de Jean-Bertrand Aristide.
Il dispose à son gré des finances publiques, sans aucun contrôle. Il intervient directement dans le fonctionnement de tous les secteurs de l'administration publique, particulièrement la police et la justice, mettant ainsi en danger les droits et la vie de tous les citoyens et citoyennes. La police ainsi corrompue est à la solde directe du chef de l'Etat, lequel entretient une police parallèle ancrée dans des soi-disant organisations populaires dénommées « chimères » à qui on n'hésite pas à livrer des armes très meurtrières.
Des ministres et des hauts fonctionnaires, démissionnent. Des religieux, dans tout le pays, dénoncent cette dégradation des valeurs morales les plus élémentaires et demandent la démission du chef de l'Etat. Des journalistes sont assassinés ou doivent quitter leur pays. La presse indépendante est constamment menacée par le pouvoir. Des militants sont arrêtés par des civils non identifiés et sont jetés en prison sans aucune forme de procès. Des femmes sont enlevées et violées. Les juges non corrompus ont dû fuir à l'étranger. Les facultés de l'Université d'Etat d'Haïti, particulièrement la Faculté des Sciences Humaines, l'Institut National d'Administration, de Gestion et des Hautes Etudes Internationales, la Faculté d'Agronomie et de Médecine Vétérinaire, sont attaquées et saccagées par des bandes armées à la solde du pouvoir sous le regard passif de la police, le recteur et le vice-recteur de l'Université sont gravement blessés ainsi qu'une vingtaine d'étudiants. C'est toute la Constitution et les principes fondamentaux de l'Etat de droit qui ont volé en éclats.
A la veille de la commémoration, le 1er janvier 2004, de ses deux cents ans d'indépendance, notre société se soude pour dire non à une telle dégradation éthique de l'autorité politique. Mais pour dire oui à un nouveau contrat social, à une refondation de la société haïtienne, à la possibilité d'un développement démocratique ouvrant les portes de l'espoir pour tout le peuple haïtien. Haïti, avec ses huit millions d'habitants, est classé parmi les pays les plus pauvres de la planète. Pour cette raison, Haïti représente pour ses voisins un problème permanent.
Mais notre pauvreté et notre manque de ressources ne peuvent en aucun cas servir de prétexte pour nous forcer à des compromis inacceptables et immoraux avec le pouvoir actuel en pleine dérive totalitaire. Les démocraties occidentales accepteraient-elles de négocier avec un pouvoir qui aurait violé à ce point les droits fondamentaux de la personne humaine et les principes constitutifs de la Constitution ? Armer des bandes d'enfants ne rappelle-t-il pas les pages sombres de l'histoire européenne, les fascismes notamment ? Pourquoi ce qui est intolérable pour les pays développés le serait-il pour nous ?
Nous poursuivons donc, les mains nues, face à toutes ces bandes armées, notre lutte résolue pour le triomphe de la démocratie dans notre pays. Nous sommes convaincus que la démocratie n'est pas faite que pour les riches. Faut-il attendre désespérément, dans des conditions mondiales injustes, que nous, pays du Tiers-monde, soyons riches pour goûter enfin à la paix civile et au développement en régime démocratique ? Sans doute la démocratie n'est-elle pas la fin des inégalités. Mais elle permet de régler les conflits dans un cadre moins inhumain, dans le respect des droits de l'homme.
Constituons donc une véritable société civile internationale face aux logiques des puissants de ce monde, face aux effets négatifs de la mondialisation. L'opinion publique mondiale a son rôle à jouer. Voilà pourquoi nous faisons appel à l'opinion publique mondiale.
Manifestez donc votre solidarité avec le peuple haïtien en nous aidant à la réussite d'une journée internationale de mobilisation en vue de faire du jeudi 15 janvier 2004, un jour de mobilisation pour soutenir le peuple haïtien dans sa lutte pour ses libertés démocratiques.
1776, aux Etats Unis, la guerre de l'indépendance américaine ouvrait la voie à la fin des régimes coloniaux.
1789, en France, a eu une portée internationale qui a atteint nos rives et a aidé nos ancêtres à se libérer de l'esclavage.
1804, en Haïti a eu aussi une portée internationale, car pour la première fois une révolte d'esclaves réussissait et notre pays fut la première république noire du monde.
2004, ici et maintenant, doit avoir une dimension internationale, car avec nous, c'est le Tiers-monde qui manifeste sa quête de justice et de dignité.
Dimanche 28 décembre 2003
Centre ¼cuménique des Droits Humains(CEDH) | Jean-Claude Bajeux |
Centre d'Appui à la Jeunesse (CEDAJ) | Evans Lescouflair |
Haïti-Solidarité Internationale (HSI) | Jean Lhérisson |
Institut Mobile d'Education Démocratique (IMED) | Kettly Julien |
Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes (CONAP) | Danièle Magloire |
Initiative Citoyenne | Frandley Julien |
Association pour la défense des Droits de l'Homme en Haïti et dans le monde | Gérald Bloncourt |
Haïti Democracy Project (HDP) | Alice Blanchet |
Front pour la Démocratie en Haïti | Alemy Ilofils |
Ligue des Exilés Haïtiens pour la Promotion de la Défense des Droits Humains (LEH) | Robert Philomé |
Groupe de Refléxion pour Haïti | Paul Adolphe Corbanese |
Initiative Démocratique (ID) | André Lafontant Joseph |
Fondation Toussaint Louverture | Camille Gauthier |
Echo d'Haïti (voice of the Haitian Community) | Evelyn J. Prophète |
Comité de Solidarité de Justice pour Brignolle Lindor (COSOJUBRIL) | Pasteur Denis Laguerre |
Comité de Solidarité Etudiants Haïtiens ( C.S.E.H.) | Jean-Claude Exulien |
Association des Pharmaciens d'Haïti (A.P.H.) | Maurice Celestin |
Institut démocratique haïtien contre la dictature | Joel Leon |
Si vous souhaitez vous joindre à cet appel, ajoutez le nom de votre organisation, le nom de la personne responsable et renvoyez au cedh@acn2.net
Photos des manifestations du 1er janvier
Vous pouvez les consulter à l'adresse suivante : http://www.shutterfly.com/osi.jsp?i=67b0de21b35dc43905e2