Haïti : nouvelles du 30 décembre 2003

Marche en faveur de M. Aristide à Port-au-Prince. Les partisans du Chef de l'Etat menacent l'Opposition, la Société Civile et les médias indépendants

Lundi, 29 décembre 2003 19:49

Plusieurs milliers de membres d'Organisations Populaires (OP) Lavalas ont gagné les rues de la capitale , ce lundi 29 décembre 2003 ,pour appeler au respect du mandat de cinq (5) ans du President Jean Bertrand Aristide. Lors de cette manifestation qui s' est déroulée en l'absence de la Police, les membres d'OP lavalas ont scandé des propos hostiles aux secteurs de l'Opposition et de la Société Civile qui exigent la démission du Chef de l'Etat.

Les OP lavalas qui étaient encadrés de chefs de bandes armés montés â bord de véhicules de la compagnie téléphonique nationale " Teleco " ont lancé des mises en garde aux militants de l'Opposition .Ils ont également réaffirmé leur détermination à prendre part aux festivités de 2004 le 1er janvier aux Gonaives. A Pétion-Ville, certains des manifestants visiblement aggressifs ont inscrit des graffitis sur des véhicules en stationnement.Ils ont même étendu ce mouvement à l'intérieur de quelques magasins de cette commune pour inscrire des slogans comme " Aristide est le Roi, Aristide pour 5 ans ".

Lors de cette marche qui a conduit les OP devant le Palais National, les manifestants se sont montrés hostiles aux médias indépendants dont Radio Métropole, Radio Kiskeya , Vision 2000 et Caraïbes F.M. . Certains membres d'OP suivaient de très près les journalistes qui réalisaient des reportages en direct tout en dénonçant les principales radios de la capitale. Ils ont même agressé un journaliste de Radio Galaxie , Duckens Séjour et ont blessé à coup de tessons de bouteilles le conducteur du bus de cette station aux abords du palais présidentiel.

Les manifestants lavalas qui réclament le plein respect du mandat du Président Aristide s'en sont également pris aux artistes Michel Martelly (Sweet Micky) et Théodore Beaubrun Jr ( Lòlò) qui participent aux rassemblements de la Plate-forme Démocratique , regroupement des partis de l'Opposition et de la Société Civile.

Ce mardi 29 décembre, la plate-forme organise une manifestation anti-Aristide à Port-au-Prince.


Lavalas manifeste ce lundi 29 décembre . L'Opposition prend rendez-vous le mardi 30 décembre et le 1er janvier

Lundi, 29 décembre 2003 11:26

La Plate-forme Démocratique organise une nouvelle manifestation, le mardi 30 décembre 2003, pour exiger le départ du Président Jean Bertrand Aristide. La marche partira de la place du Canapé-Vert et doit sillonner plusieurs rues de Port-au-Prince. L'un des dirigeants de l'Opposition haïtienne, Evans Paul, membre de la Plate-forme Démocratique, invite la population à gagner les rues massivement mardi pour dire non à Lavalas.

Cette Plate-forme qui regroupe les partis de l'Opposition et la majorité des institutions de la Société Civile exhorte les citoyens à faire de même que lors des importantes manifestations du 22 , du 24 et du 26 décembre. Les étudiants maintiennent également la mobilisation visant le départ du Président Jean Bertrand Aristide.

Ernst Alcéus, un porte-parole du mouvement, annonce la tenue d'une manifestation à Port-au-Prince, le 1er janvier 2004. Cette marche doit rendre hommage aux Héros de l'Indépendance et dire non au régime Lavalas, précise M. Alcéus, étudiant à la faculté des Sciences Humaines.

De leur côté, les membres d'Organisations Populaires (OP) Lavalas de Pétion-Ville manifestent ce lundi 29 décembre 2003 dans les rues afin d'exiger le respect du mandat de cinq (5) ans du Président Jean Bertrand Aristide. Ces OP souhaitent réunir des milliers de partisans du chef de l'Etat à l'occasion de cette marche.

Le puissant chef d'OP Lavalas, René Civil, invite tous les partisans du Pouvoir à participer à cette manifestation pour donner une réponse à la mobilisation déclenchée contre le régime en place par la Plate-forme Démocratique qui réunit le Groupe des 184 et les partis de l'Opposition.


ALTER PRESSE - Attente pesante à 48 heures du bicentenaire d'Haïti

P-au-P., 29 déc. 03 [AlterPresse] --- Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté contre le président Jean Bertrand Aristide dans l'après-midi de ce 29 décembre aux Gonaives (centre- ouest), à l'appel du Front de Résistance de l'Artibonite, anciennement " Armée Cannibale ".

Les manifestants, dont la plupart était armée, entonnaient à tue tête un refrain avec les paroles que voici : " nous ne voulons pas négocier, Haïti va être libérée ". Ils ont exigé la démission du Chef de l'État.

Au moment de la manifestation, de fortes détonations d'armes à feu ont été entendues. Ce qui, selon les correspondants locaux, a créé une situation de panique.

Le Front de Résistance de l'Artibonite a réussi à gagner les rues, malgré une opération de la police pour isoler le quartier de Raboteau, foyer de la contestation aux Gonaives. Durant le week-end écoulé, des containers ont été placés dans le périmètre du quartier.

La manifestation s'est toutefois déroulée dans une atmosphère de confusion, créée par des déclarations contradictoires de deux dirigeants du front.

Butter Metayer, frère d'Amiot (ancien chef de l'armée cannibale, assassiné en septembre dernier), a annoncé une trêve dans les manifestations pour permettre la celebration de l'evenement " dans la paix ".

Dans cette déclaration enregistrée, confiée aux médias aux bons soins de parlementaires lavalas (avalanche, parti au pouvoir), Butter Métayer a fait savvoir que " nous avons laissé tomber nos rancoeurs contre la célébration du bicentenaire aux Gonaives ", ville où l'indépendance a été proclamée en 1804.

Plus tôt dans la journée, le porte-parole du front, Winter Etienne, avait réitéré ses menaces d' " arrêter " le président s'il se rendait aux Gonaives le premier janvier 2004. Il avait aussi mis en garde contre la présence de délégations nationales et internationales, arguant en substance que la situation ne serait pas sure.

Les préparatifs aux Gonaives, repris la semaine dernière après de sérieuses perturbations, se sont poursuivis ce 29 décembre sous surveillance policière.

Entre-temps, Aristide a confirmé la semaine dernière qu'il se rendrait aux Gonaives le premier janvier, tout de suite après une cérémonie qui devrait se tenir au palais national.

Quelques milliers de partisans du gouvernement ont manifesté ce 29 décembre à Port-au-Prince pour exiger le respect du mandat de 5 ans d'Aristide, qui doit prendre fin en 2006. Des parlementaires du parti au pouvoir et chefs de bandes lavalas ont pris part la manifestation.

Duckens Séjour, journaliste de la station privée Radio Galaxie, émettant de Port-au-Prince, a été agressé par les manifestants pro-gouvernementaux.

L'opposition socio-politique a annoncé des activités anti-gouvernementales durant les trois prochains jours : marche le 30 décembre, journée de résistance culturelle le 31 décembre et nouvelle manifestation le premier janvier 2004.

A propos de la manifestation du premier janvier, les étudiants ont déjà fait savoir qu'ils comptent fermement investir les abords du palais, où sont érigés des statuts de héros de l'indépendance.

Or, depuis quelques semaines, à chaque manifestation anti-gouvernementale, des centaines de partisans du président occupent les abords du palais.

Par ailleurs, la Convergence Démocratique a annoncé à la population qu'elle organise le 6 janvier 2004 un rassemblement " patriotique " pour marquer le bicentenaire d'Haïti. [gp apr 29/12/2003 23:00]


RADIO METROPOLE - Célébration du Bicentenaire de l'Indépendance : un parlementaire démocrate est dans nos murs

Lundi, 29 décembre 2003 10:49

La parlementaire démocrate de Californie , Maxine Waters , est arrivée à Port-au-Prince , le dimanche 28 décembre 2003. Elle doit participer aux festivités du Bicentenaire de l'Indépendance du 1er janvier prévues à Port-au-Prince et aux Gonaïves . La congresswoman , membre du " Black Caucus " , est en Haiti sur l'invitation du Président Jean Bertrand Aristide , a appris Radio Métropole .. Le gouvernement Lavalas n'a pas encore indiqué si elle représente le groupe " Black Caucus " à titre officiel à la célébration du Bicentenaire de l'Indépendance d'Haiti. La congresswoman est connue pour ses positions pro-Aristide notamment durant la période du coup d'Etat militaire (1991-1994).

A noter que les Etats-Unis n'enverront aucun haut responsable en Haiti le 1er janvier 2004. Le gouvernement américain sera représenté par l'ambassadeur James Foley. A rappeler qu'à l'occasion du Bicentenaire de la Bataille de Vertières, le 18 novembre dernier, l'ambassadeur Foley avait choisi de ne pas se rendre au Cap-Haitien pour protester contre la perturbation brutale du rassemblement du Groupe des 184, le 14 novembre , par les " chimères Lavalas " (partisans du Président Jean Bertrand Aristide ) et la Police Nationale d'Haiti (PNH).

Les ambassadeurs des pays membres de l'Union Européenne avaient également choisi de bouder ces festivités officielles pour condamner l'attitude du régime Lavalas .


Journée de tension aux Gonaives Posté le samedi 27 décembre 2003

P-au-P., 27 dec. 03 [AlterPresse] --- Le calme est revenu en fin de soirée aux Gonaives (Centre-ouest) où la journée a été très tendue, alors qu'une opération policière était conduite dans le quartier populaire de Raboteau, bastion du Front de Résistance pour la démission du président Jean Bertrand Aristide.

La police a entrepris une opération d'isolement de ce quartier sensible en commencant par l'encercler à l'aide de containers, a constaté un journaliste local interrogé par AlterPresse.

De fortes détonations d'armes à feu ont été entendues au moment de l'opération et la panique régnait. Des correspondants locaux ont rapporté que la police a utilisé des dispositifs terrestres, maritimes et aériens.

Il n'a pas été possible pour le confrère interrogé d'observer l'état de la situation à Raboteau et de constater s'il y avait ou non des victimes.

L'opération policière à Raboteau s'est déroulée dans une atmosphère de psychose au niveau de la ville entière, a affirmé la source d'AlterPresse.

De persistantes rumeurs circulent aux Gonaives à propos d'un massacre qui aurait été perpétré à Morne Blanc, au nord de la ville. Mais, ces rumeurs n'ont pu être vérifiées pour le moment par des journalistes locaux.

Il n'y a pas non plus d'information précise sur les cas de morts par balles qui seraient enregistrés dans la nuit du 24 au 25 décembre.

Le 24 décembre, des soldats sud-africains ont débarqué aux Gonaives, dans le cadre de leur mission pour préparer la venue du président sud-africain Thabo Mbeki, qui doit assister aux cérémonies officielles du bicentenaire d'Haïti..

La présence de ces soldats sur le sol haïtien est critiquée autant en Haïti qu'à l'étranger. L'Association des Entrepreneurs de l'Artibonite (AEA) a condamné le 26 décembre la confiscation de nombreuses motocyclettes par des soldats sud-africains.

Le 25 décembre, le Centre 'cuménique des Droits Humains a fait part d'un sentiment de " tristesse mêlée de colère ", face à ce " support " du " pays de Nelson Mandela " à " ce qui reste de gouvernement " en Haïti.

Des Haïtiens de Paris ont annoncé une manifestation devant l'ambassade d'Afrique du Sud dans la capitale française, pour porter l'administration de Thabo Mbeki à changer d'avis.

Ce 26 décembre, l'ambassadeur cubain en Haïti, Rolando Gomez Gonzalez, a démenti à Port-au-Prince toute présence militaire cubaine dans le pays, à l'occasion de la célébration du bicentenaire d'Haïti. Le diplomate cubain a déclaré qu'il n'y a " pas un seul militaire cubain en Haïti ".

La presse dominicaine avait fait état de présence de soldats cubains en Haïti pour assurer la sécurité d'une délégation qui devrait être conduite par le président cubain Fidel Castro, aux cérémonies officielles du bicentenaire.

Rolando Gomez Gonzalez a confirmé la participation d'une délégation cubaine aux cérémonies officielles commémoratives du bicentenaire d'Haïti. Mais, a-t-il affirmé, cette délégation n'a pas encore été constituée et son chef n'a pas été désigné.

S'il y avait un doute sur la tenue de cérémonies officielles aux Gonaives, en raison de la situation explosive qui y règne depuis septembre, l'administration Aristide parait désormais plus assuré de compter sur Gonaives (où l'indépendance d'Haïti a été proclamée le premier janvier 1804).

Le président Jean Bertrand Aristide a réaffirmé cette semaine qu'il se rendra aux Gonaives, à la grande joie de ses partisans. Les travaux de préparation, sérieusement perturbés, ont repris sous surveillance policière stricte, a appris AlterPresse.

A Port-au-Prince, cependant, les étudiants ont redoublé d'ardeur dans leur lutte contre le pouvoir et ont convié tous les secteurs de la nation à une marche sur le palais national le premier janvier 2004, pour rendre hommage aux héros de l'indépendance. Ce mouvement sera précédé d'une veillée patriotique, ont annoncé les jeunes de la Faculté des Sciences Humaines, haut lieu de la résistance au pouvoir lavalas.


« Il ne suffit pas de renverser Aristide pour qu'Haïti se redresse »

Courrier international - 23 décembre 2003

Le 1er janvier 2004, Haïti va célébrer le bicentenaire de son indépendance dans un climat extrêmement tendu. Le président Jean-Bertrand Aristide est de plus en plus contesté et les violences se multiplient. Des bandes armées proches du gouvernement empêchent systématiquement tout rassemblement de l'opposition. Michèle Montas, directrice de Radio Haïti Inter, est engagée dans la lutte contre l'impunité depuis l'assassinat de son mari, le journaliste Jean Dominique, le 3 avril 2000. Victime à son tour d'une tentative d'assassinat, elle a dû "éteindre" la station puis quitter le pays en mars dernier. Elle vient de recevoir le prix Reporters sans frontières - Fondation de France 2003. (17 décembre 2003)

 

La république d'Haïti fête le bicentenaire de son indépendance...

MM - Il y a deux cents ans, Haïti connut la première révolte d'esclaves du monde moderne, et elle mit en déroute les troupes de Napoléon. C'est important pour Haïti et aussi pour la France ! On n'en parle pas beaucoup dans les livres d'histoires en France... Ce sont deux cents ans de solitude et d'incompréhension, de satrapies, de gouvernements militaires et de trop rares gouvernements civils. Notre histoire est faite de renversements. Peut-être est-ce le prix de cette indépendance gagnée avec les armes. Mais ce sont aussi deux cents ans de résistance. Nous avons été isolés des dizaines et des dizaines d'années, repliés sur nous-mêmes, et le peuple haïtien a survécu.

Que se passe-t-il en Haïti aujourd'hui ?

MM - Toutes les voix contestataires sont menacées, intimidées. Et ce n'est pas un épiphénomène. Quand Jean-Bertrand Aristide est revenu en Haïti, en 1994 [élu en 1990, il avait été renversé par un coup d'Etat militaire le 30 septembre 1991 et ramené trois ans plus tard sur intervention américaine], il a promis la justice, la participation, la transparence. Aucun de ces trois thèmes n'a été développé. Le pouvoir a préféré des alliances tactiques et a choisi d'éliminer les voix indépendantes et contradictoires afin de ne garder que ceux qui font allégeance totale. Depuis deux ans, le gouvernement ne cherche plus que sa simple survie politique. Chaque fois qu'il y a une manifestation ou une contestation organisée, des groupes armés sont lancés. Or tout le monde sait qu'ils sont à la solde de gens puissants partisans du gouvernement. La principale revendication des Haïtiens depuis la chute des Duvalier n'a pas été exaucée : ils réclamaient la justice, car il ne peut y avoir de réconciliation sans justice.

Quel est le rôle de la communauté internationale ?

Les instances internationales ont fait un effort à court terme pour aider Haïti, mais les infrastructures, les institutions démocratiques n'ont pas été renforcées comme elles auraient dû l'être. Et le système est resté corrompu, même si quelques juges ont été formés ici ou là. Ensuite, la communauté internationale s'est fatiguée. Or la construction d'une nation ne se fait pas du jour au lendemain, ni grâce à un seul homme, que ce soit en Haïti ou en Afghanistan... Et sans structure on ne peut rien faire. Depuis les élections de 2000 [considérées comme frauduleuses], la communauté internationale - les Etats-Unis, la France, l'Union européenne, l'Organisation des Etats d'Amérique - a suspendu son aide ou décidé de ne la faire passer que par les ONG. Même les prêts de la Banque interaméricaine de développement ont été bloqués. Cette réaction de la communauté internationale est disproportionnée et a exacerbé les problèmes internes. Elle l'a fait pour faire fléchir Aristide, mais le prix payé par le peuple haïtien est trop lourd. Le blocage de l'aide est une arme éculée. Bloquer l'aide à l'éducation ou à la santé d'un pays comme Haïti est un acte criminel.

Comment expliquez-vous que le prêtre Jean-Bertrand Aristide incarne aujourd'hui une figure de dictateur corrompu et qu'on le compare à ses tristes prédécesseurs ?

Je ne crois pas qu'on puisse parler aujourd'hui de dictature en Haïti. Parlons plutôt de chaos. Dans une dictature comme celle des Duvalier, le dictateur contrôle toutes les forces armées, les milices, les pouvoirs locaux. Aujourd'hui, Aristide et son parti ne contrôlent rien du tout. Le parti qui l'a porté au pouvoir, le Fanmi Lavalas, est extrêmement divisé. Quand Aristide est revenu au pouvoir, en 1994, il n'y a pas eu de véritable désarmement, et le résultat violent est là. Il n'y a pas de censure centralisée, organisée, comme au temps des Duvalier, mais les journalistes qui vont au-delà de la surface de l'info, qui fouillent des thèmes comme la corruption ou la drogue, risquent leur vie.

Dans quelles circonstances avez-vous dû quitter Haïti ?

Le 25 décembre dernier, en 2002, j'ai été la cible d'une tentative d'assassinat alors que je rentrais chez moi. Mon garde du corps a été abattu. J'ai pensé qu'il suffirait que je ne m'exprime plus au micro de la radio pour que les menaces cessent, mais cela n'a pas suffi. Le 23 février suivant, j'ai réuni la rédaction. D'autres membres de la radio avaient aussi été menacés, certains par des hommes armés, et nous avons donc décidé d'"éteindre" l'émetteur. Radio Haïti est devenu une radio silencieuse. Mais la station n'est pas fermée pour autant. Nous avons maintenu des permanents qui gardent l'équipement, afin d'être prêts à réémettre dès que cela sera possible. La radio existe depuis 1970. Mon mari et moi avons connu la prison, l'exil. Quand nous sommes revenus, en 1986, le studio avait été détruit par la police politique de Duvalier. Nous l'avons reconstruit grâce à la solidarité des Haïtiens. En 1991, après le coup d'Etat contre Aristide, nous sommes repartis en exil. Nous sommes revenus à Port-au-Prince en 1994. Beaucoup de choses ont changé depuis. Jean était une figure populaire en Haïti, une voix indépendante qui critiquait les dérives du parti au pouvoir.

Où en est le procès des assassins de votre mari ?

L'instruction dure depuis trois ans. Elle a été houleuse et sanglante. Un des suspects arrêtés est mort sur une table d'opération alors qu'il n'avait reçu qu'une balle dans les fesses... Un autre a été livré à la foule au moment de son arrestation et lynché. Un autre encore est mort en prison. Des témoins ont disparu. Des mandats d'arrêt n'ont jamais été exécutés. Certaines personnes ont été protégées. Il y a eu des blocages à tous les niveaux de l'Etat. Le juge chargé de l'enquête est actuellement en exil. Je ne sais pas qui a tué mon mari. Nous avons des pistes qui nous indiquent que des membres du parti au pouvoir sont impliqués.

Comment voyez-vous l'avenir ?

Il ne suffit pas de renverser Aristide pour que, d'un coup de baguette magique, Haïti se redresse. Il faut secouer ce mythe. Les groupes armés ne vont pas disparaître d'un seul coup ; il y aura une lutte pour le pouvoir qui risque d'être sanglante. Changer l'homme mauvais qui est au pouvoir n'est pas tout. Il faut aussi créer les conditions de la démocratie.